dimanche 9 mai 2010

Le cours d'Histoire du professeur Petite Lune

— Chère Zébra, ne nous laissons pas distraire par l'esthétique certes attrayante des humains et reprenons le cours de l'Histoire. Chez les humains comme tu le constates donc, avec beaucoup d'admiration, rien de vraiment fâcheux ne se produisit sur le plan physique, en ce qui concerne les nombreux survivants. Juste quelques babioles qui ne valent la peine d'être signalées que par les situations un peu cocasses qu'elles suscitèrent parfois. Certains humains par exemple, firent une poussée de croissance vers des âges assez avancés, d'aucuns virent leur nez s'allonger d'un ou deux centimètres et prirent de la hauteur. Il n'était pas rare de "rencontrer" des personnes culminant à deux mètres trente. Le CO2 avait semble-t-il provoqué du remue-ménage dans les cartilages. D'autres par contre, décroissèrent curieusement de quelque dix, voire vingt centimètres parfois ... Une sorte de brutal tassement des vertèbres peut-être, comme il n'est pas rare de le constater chez des vieillards humains ; mais si ce tassement se produisait sur des individus d'une trentaine d'années, ils restaient d'apparence jeune et évoquaient du même coup les elfes des légendes celtes : retourne à la page 36 de ton livre d'histoire, l'illustration évoque ce phénomène anecdotique pour son côté un peu insolite, rappelant quelques situations cocasses où des enfants avaient grandi très vite tandis que leurs parents avaient tout aussi soudainement rapetissé. Des babioles je le répète, sur le plan physique pour les humains. Mais n'oublions pas l'importance que prit, pour nos ancêtres les souris, la petite minorité des humains disparus lors de la vague de pollution massive de CO2. Car c'est là où le bât blesse.
Le professeur Petite Lune se recueillit, observant une minute de silence. Zébra gagnée par l'émotion du professeur ne disait mot. Puis il se mit à toussoter, s'éclaira la gorge et reprit son cours d'une voix moins assurée, étreinte encore par la douleur des ancêtres souris lors du constat de la catastrophe, c'est pourquoi il disait souvent - nous - en parlant d'eux :
— C'est par le biais des disparus reprit-il, que nous nous apercûmes de la catastrophe. Elle était d'ordre moral chez les nombreux humains survivants.
Nous étions dissimulés dans les arbres à chiffons ou simulions d'être des épouvantails à moineaux, ou encore certains d'entre nous étions tout simplement cachés dans les fossés afin de mieux observer ce qui se tramait derrière la grande agitation qui les avait pris. Était-ce un commencement de révolution, dont ils ont le secret ? NON ! Ils se préparaient en réalité à célébrer une messe nationale, petite Zébra ! Et leurs leaders acclamèrent lors de cette célébration infâme un Dieu totalement inconnu de nous pour le remercier d'avoir fait périr ceux qu'ils avaient surnommé les "faiblards". Le ccc...O2, les avaient déshumanisés à leur insu, ils se fiaient donc uniquement à leur physique, que rien de réellement alarmant n'avait touché, comme chez nous les souris. En somme en déshonorant collectivement la mémoire des victimes, ils nous prouvaient qu'ils avaient complètement perdu la boule, mon petit !
Le professeur refit une pause, relativement essouflé, habité par les ancêtres souris.
Cette fois Zébra resta zen et complètement subjuguée elle s'exclamma :
— La suite professeur !
— Tu veux donc sécher ton cours de trompette ? interrogea Petite Lune avant de continuer. Je prolonge le cours un petit peu, juste un petit peu, je ne veux pas froisser ton professeur de musique.
Cette messe des plus étranges provoqua une grande colère chez nos aïeux. Nous ne supportions plus ces odieux humains et étions nous-mêmes profondément déstabilisés par notre identité commune nouvelle qu'aucun indice physique ne nous permettait plus de définir. De plus, nombre d'entre nous rendaient les humains responsables de cette pollution massive en CO2 et furent tentés de les détruire. La compassion pour les victimes humaines dont personne n'honorerait la mémoire l'emporta cependant, sans oublier la théorie du tourbillon, la lecture de philosophes et poètes humains qui arrêtèrent définitivement notre bras. N'oublie pas au passage que la notion de bras était toute nouvelle pour nous. La matière et le spirituel se télescopaient étrangement chez nous, Hummm ? C'est pourquoi aussi nous avions été tentés d'expérimenter le lancer de pavés, notamment dans la région du Nord de la France. Mais les humains eux passèrent à l'acte sans vergogne, (les soudards !) quand nous nous contentions de détruire leurs voitures en les privant de leur pot d'échappement, sans débordement de violence. Ils en furent si furieux lorsqu'ils nous débusquèrent en pleine action qu'il vidèrent les routes des précieux pavés qui faisaient la renommée de courses cycliste ! Cela afin d'essayer d'écraser ceux qu'ils avaient surnommés "les écuyères" à cause de nos fréquentes culottes de cheval. Nous dûmes faire appel à la ruse pour en réchapper ! Mais j'entends souffler ton professeur dans sa trompette ! Il s'impatiente Zébra, ne le vexe pas !
— J'y vais, professeur ! À demain !