lundi 31 mai 2010

Pentti Saaritsa

Pentti Saaritsa, né en 1941, poète de langue finnoise. Subtil, moderne mais à qui rien de ce qui se passe dans le monde n'est étranger. Œuvres : Poèmes d'automne (1973), Que vois-je ? (1979).

Dans un bon poème il y a le silence
comme une sucette fichée dans la bouche
l'enfance
et ses innombrables bruissements.


***

Conceptio artis

Quelque chose que tu ne distingues pas tout à fait
une peinture pariétale, une écorchure sur une vieille muraille
un trait pentatonique à la flûte, micro-intervalles,
signes tracés sur la couche d'un agneau à naître
dans un idiome étrange mais d'une main ferme, toujours
un sens, une question ou une réponse
que tu apprends ou perçois, quelque chose
que tu saisis immédiatement, mais ne peux
expliquer
avant qu'aient passé les ans
que tu aies ouvert la porte et parcouru le chemin
et longtemps, longtemps déjà cru en ce
que tu ne vois ni n'entends encore
et tes sens terrifiés comprennent
que toute ta peur était fondée :
de ce que tu sais
de ce que tu fais
toute chose est vraie.

***

La blessure peut n'être que bénigne.
Et le sang quand il est frais est toujours beau.
Mais la douleur ouvre ses pétales, la peur surgit
et nous suit comme une chienne.
Elle est plus vieille que nous
et semble nous connaître.
Le plaisir et la mort marchandent
dans notre dos ; dans leur conversation
on distingue parfois son nom.
Et puis enfin cela arrive, on entend qui sait
l'ignoble craquement de l'accident,
quelque part une porte qui claque, quelque part un cri
ou le silence.
Le soleil ne se lève pas. C'était toi.

***

Les dieux traversent les hommes
comme l'ombre d'un nuage la terre
à travers
au-dessus
au-delà
de l'ombre des hommes.

Traduit du finnois par Olivier Descargues

Jyrki Pellinen

Jyrki Pellinen, né en 1940, poète d'expression finnoise, peintre. Longues proses surréalisantes, où êtres et choses sont observés de très près mais sans contrainte. Œuvres : De ces choses (1962), Autrement tu écoutes (1969), Comment ne fuirais-je pas ? (1978). ( de la revue europe, revue littéraire mensuelle - littérature de Finlande, juin juillet 1985 )

Nul ne pense pour toi
de toi se languissent
tes trains, tes fuites

seul un jet
gicle des entrailles de la terre
et lave ton visage si
tu es voyageur
trop curieux

les trains sont des nuages
à forme de chiens
les fautes d'orthographe
l'image de ta peur
tous tes trains
sont les derniers

***

Ainsi j'avance de feuille en feuille
le vouloir dire en moi
et bientôt je vois un tout
comme un matin clair

d'où écrire un
seul poème, une
pensée d'un mot : toi et tes
sentiments variables, immuables

air vent, immuable
variation des climats
inquiétude du durable
fatigue et paix

c'est le cours d'un jour et la danse naturelle
que je ne saisis qu'en écrivant
qu'en la mettant sous mes yeux

pour qu'elle se montre un instant
et me fasse signe en s'en allant
hurler ailleurs
dans un pays instable du globe

***

Je suis antinomie
un vieillard qui s'écoute
et qui le sait, mais les autres
aussi le savent

Je suis un discuteur
un admirateur naïf qui parle
avec les vents les pierres les arbres
et avec les hommes

je ne suis pas un marchand
à son étal au marché
je n'ai qu'une autocritique
invisible à l'oeil nu

elle s'appelle doute qui s'éveille
et t'évite de loin
ils m'évitent de loin
j'ai une longue mémoire

et classe les hommes
en une liste des conduites
conduite dix ou zéro

j'ai envie
d'aller nager dans le bassin
n'importe quand, j'ai foi
en l'impossible

(Comment ne fuirais-je pas ? 1978).
Traduit du finnois par Olivier Descargues

mardi 25 mai 2010

samedi 22 mai 2010

Le coin secret

Un ouvrage qui date déjà de 2008 mais qui a le grand avantage de parcourir tout le territoire français en mettant en avant nombre de ses mystères. De notre côté, nous l’apprécions pour ses repères concernant fées, lutins, nains, géants et dragons. Un joli tour de France mystérieux qui donne une large place à la féerie, aux arbres et aux pierres. De quoi initier facilement un premier tour d’horizon pour quiconque s’intéresserait à la France légendaire. Bien écrit, dans un style simple et clair, abondamment illustré, voilà un livre, presque un guide, pour visiter la France de l’Autre côté.
Le site :
http://peuple-feerique.com/2010/05/12/croyances-et-mysteres-de-france-patrice-milleron-editions-de-boree/

mardi 18 mai 2010

La réponse de Zébra à Lulu


À cette déclaration que Lulu, mal luné, entendit comme un affront déguisé, il rétorqua :
— N'oublie pas quand même que dans de nombreuses régions du monde ce n'est pas encore gagné avec les humains ! Vous devez encore vous cacher bien souvent ! Sans les elfes et NOUS, permets-moi d'insister : sans les elfes et NOUS, les chats, vous seriez en grande difficulté encore à l'heure d'aujourd'hui. Ben oui, c'est comme ça.
Rappelle-toi encore ceci : si nous n'avions pas informé les humains handicapés que c'était vous et non la magie, qui renouveliez leurs pansements, que c'était vous, et non des radios cachées on ne sait où dans les murs, qui leur parliez, les consoliez, leur chantiez ces étranges mélodies souriesques, ils auraient continué de vous ignorer puisqu'ils vous prenaient pour de simples reflets de lumières ou de petites loupiotes, la nuit. Ben oui, vous ne faisiez que leur transparaître en raison de l'excessive prudence des elfes qui vous couvaient comme leurs propres petits. Qui a parlementé avec eux pour qu'ils vous permettent d'apparaître pleinement à ces humains que vous soigniez avec tant de zèle ? ... NOUS, les chats ! Vos médiateurs, c'est bien nous, qui avons expliqué ensuite aux humains tout ce qu'ils vous devaient en reconnaissance. Donc pas de trompette sans nous, n'est-ce pas ? J'en reviens à ma désagréable impression d'égoïsme de votre part et de mémoire sélective. Cette attitude ne vous fera pas accéder à l'universel, puisque vous oubliez la sensibilité féline, qui en est une constituante.
Zébra faillit s'étrangler, (le culot de cet individu !) puis elle s'exclamma :
— Mais puisque votre fameuse sensibilité féline, comme tu dis avait été bouleversée à cause de la rupture de stock en matière première que constituaient nos ancêtres ! Que seriez-vous devenus vous-mêmes sans le Rouge-gorge qui inventa une eau de roche spéciale pour vous secourir ? Vous auriez connu la famine, car les oiseaux ne se laissaient plus attrapper non plus et les humains ne se préoccupaient plus que d'eux-mêmes excluant déjà nombre des leurs ! Plus de chats et l'universel se serait passé de vous, comme il se passe des chats du carbonifère et des mammouths. J'admets par contre que votre expérience de mutants félins est bien une constituante universelle, je poserai quelques questions à Petite Lune à votre sujet afin qu'il enrichisse ses cours.
Après ce débat politique un peu houleux, Zébra et Lulu se réconcilièrent autour d'un verre d'eau de roche qui avait initialement été concoctée pour les félins par le rouge-gorge.

lundi 17 mai 2010

Lulu est un râleur



— Je vais vous dire un truc, moi je suis un chat de mon temps, même pas en avance sur son temps, tout simplement un chat des années 2085 (Bientôt le troisième millénaire mine de rien). Et ce que Petite Lune, un rien égotiste, un rien ... je peux pas dire ethnocentrique parce que les souris mutantes ne savent plus si elle appartiennent ou pas à une ethnie, disons qu'il est égotiste (notez que ce mot n'a pas de valeur péjorative en général), eh bien ce que ne vous a pas dit encore Petite Lune, c'est que les chats, rapport à la rencontre décisive d'un de nos ancêtres avec un rouge-gorge, ont muté eux aussi, mais "seulement" du côté alimentaire. Zébra ne le sait que trop, elle est souvent fourrée avec nous et Petite Lune le sachant, il a dû trouver inutile de lui parler de cet épisode de l'histoire, plutôt pas anodin pour eux. Il a juste signalé que nous étions restés babas à la vue de leur nouvelle façon de se déplacer. Un peu juste, cette vision des choses, mais bon. Vous en saurez davantage un de ces quatre, je dois récupérer de ma nuit à la belle étoile.

samedi 15 mai 2010

jeudi 13 mai 2010

Zébra alla prendre son cours de trompette


Après toutes ces histoires d'intolérance que contait avec tant d'émotion Petite Lune, Zébra avait besoin de se réchauffer le coeur. Son professeur de musique eut une idée géniale, il fallait que ses élèves aillent faire un petit tour vers des contrées qui leur étaient moins hostiles. C'est ainsi que toute la classe embarqua sur un tapis volant, du pays des elfes où tout le petit monde des souris mutantes s'était réfugié, jusqu'à La Nouvelle-Orléans. Là ils écoutèrent vibrer dans le trombonne d'un musicien inspiré l'âme des ancêtres de ce pays qui avaient vécu l'ouragan Katrina. Ces hommes-là avaient l'air aussi gentils que les elfes l'étaient à leur égard. Pour un premier contact avec les humains, les élèves et leur professeur avaient bien frappé à la bonne porte, aussi prolongèrent-ils leur séjour. Personne n'avait l'air de trouver leur apparence inquiétante. Les prenaient-ils pour un genre nouveau de kangourous ? Mais non, on n'était pas en Australie ! Alors quoi ? En 2080, l'Amérique était tout simplement blasée : des mutants elle en avait déjà vu passer, de toutes sortes, et là-bas, du fait que nombre d'entre eux avaient pris sous leur protection les handicapés laissés pour compte et les orphelins, et qu'ils se montraient très compétents, les gens avaient compris que non seulement ils n'étaient pas dangereux, mais qu'ils étaient bienveillants. Ils s'étaient bien étonnés au début de ne jamais les entendre prêcher. À la question "Pourquoi faites-vous cela ?", la plupart du temps les mutants répondaient "C'est tout naturel" ; les humains avaient fini par s'y habituer. Voilà pour l'ambiance, mais laissons Zébra et ses amis écouter les ancêtres de l'ouragan Katrina, certains accents de la complainte n'étaient pas sans leur rappeler Petite Lune, médium lui aussi, à la voix souvent cassée par l'émotion, tandis que le trombonne résonnait de façon beaucoup plus agréable, il faut bien l'avouer.

dimanche 9 mai 2010

Le cours d'Histoire du professeur Petite Lune

— Chère Zébra, ne nous laissons pas distraire par l'esthétique certes attrayante des humains et reprenons le cours de l'Histoire. Chez les humains comme tu le constates donc, avec beaucoup d'admiration, rien de vraiment fâcheux ne se produisit sur le plan physique, en ce qui concerne les nombreux survivants. Juste quelques babioles qui ne valent la peine d'être signalées que par les situations un peu cocasses qu'elles suscitèrent parfois. Certains humains par exemple, firent une poussée de croissance vers des âges assez avancés, d'aucuns virent leur nez s'allonger d'un ou deux centimètres et prirent de la hauteur. Il n'était pas rare de "rencontrer" des personnes culminant à deux mètres trente. Le CO2 avait semble-t-il provoqué du remue-ménage dans les cartilages. D'autres par contre, décroissèrent curieusement de quelque dix, voire vingt centimètres parfois ... Une sorte de brutal tassement des vertèbres peut-être, comme il n'est pas rare de le constater chez des vieillards humains ; mais si ce tassement se produisait sur des individus d'une trentaine d'années, ils restaient d'apparence jeune et évoquaient du même coup les elfes des légendes celtes : retourne à la page 36 de ton livre d'histoire, l'illustration évoque ce phénomène anecdotique pour son côté un peu insolite, rappelant quelques situations cocasses où des enfants avaient grandi très vite tandis que leurs parents avaient tout aussi soudainement rapetissé. Des babioles je le répète, sur le plan physique pour les humains. Mais n'oublions pas l'importance que prit, pour nos ancêtres les souris, la petite minorité des humains disparus lors de la vague de pollution massive de CO2. Car c'est là où le bât blesse.
Le professeur Petite Lune se recueillit, observant une minute de silence. Zébra gagnée par l'émotion du professeur ne disait mot. Puis il se mit à toussoter, s'éclaira la gorge et reprit son cours d'une voix moins assurée, étreinte encore par la douleur des ancêtres souris lors du constat de la catastrophe, c'est pourquoi il disait souvent - nous - en parlant d'eux :
— C'est par le biais des disparus reprit-il, que nous nous apercûmes de la catastrophe. Elle était d'ordre moral chez les nombreux humains survivants.
Nous étions dissimulés dans les arbres à chiffons ou simulions d'être des épouvantails à moineaux, ou encore certains d'entre nous étions tout simplement cachés dans les fossés afin de mieux observer ce qui se tramait derrière la grande agitation qui les avait pris. Était-ce un commencement de révolution, dont ils ont le secret ? NON ! Ils se préparaient en réalité à célébrer une messe nationale, petite Zébra ! Et leurs leaders acclamèrent lors de cette célébration infâme un Dieu totalement inconnu de nous pour le remercier d'avoir fait périr ceux qu'ils avaient surnommé les "faiblards". Le ccc...O2, les avaient déshumanisés à leur insu, ils se fiaient donc uniquement à leur physique, que rien de réellement alarmant n'avait touché, comme chez nous les souris. En somme en déshonorant collectivement la mémoire des victimes, ils nous prouvaient qu'ils avaient complètement perdu la boule, mon petit !
Le professeur refit une pause, relativement essouflé, habité par les ancêtres souris.
Cette fois Zébra resta zen et complètement subjuguée elle s'exclamma :
— La suite professeur !
— Tu veux donc sécher ton cours de trompette ? interrogea Petite Lune avant de continuer. Je prolonge le cours un petit peu, juste un petit peu, je ne veux pas froisser ton professeur de musique.
Cette messe des plus étranges provoqua une grande colère chez nos aïeux. Nous ne supportions plus ces odieux humains et étions nous-mêmes profondément déstabilisés par notre identité commune nouvelle qu'aucun indice physique ne nous permettait plus de définir. De plus, nombre d'entre nous rendaient les humains responsables de cette pollution massive en CO2 et furent tentés de les détruire. La compassion pour les victimes humaines dont personne n'honorerait la mémoire l'emporta cependant, sans oublier la théorie du tourbillon, la lecture de philosophes et poètes humains qui arrêtèrent définitivement notre bras. N'oublie pas au passage que la notion de bras était toute nouvelle pour nous. La matière et le spirituel se télescopaient étrangement chez nous, Hummm ? C'est pourquoi aussi nous avions été tentés d'expérimenter le lancer de pavés, notamment dans la région du Nord de la France. Mais les humains eux passèrent à l'acte sans vergogne, (les soudards !) quand nous nous contentions de détruire leurs voitures en les privant de leur pot d'échappement, sans débordement de violence. Ils en furent si furieux lorsqu'ils nous débusquèrent en pleine action qu'il vidèrent les routes des précieux pavés qui faisaient la renommée de courses cycliste ! Cela afin d'essayer d'écraser ceux qu'ils avaient surnommés "les écuyères" à cause de nos fréquentes culottes de cheval. Nous dûmes faire appel à la ruse pour en réchapper ! Mais j'entends souffler ton professeur dans sa trompette ! Il s'impatiente Zébra, ne le vexe pas !
— J'y vais, professeur ! À demain !

vendredi 7 mai 2010

Méfiance malgré tout


Où l'on s'aperçoit que le professeur a un peu de mal à assumer sa position.

mardi 4 mai 2010