lundi 28 mars 2011

Kervilahouen

"Kervilahouen est un petit village de douze feux à peine, situé sur un chemin qui va se perdant dans la lande, à cinq cents mètres de la côte ouest de Belle-Isle, habité par des pilotes et des pêcheurs seulement. Les maisons y sont très propres et toutes blanches, les homme magnifiques et forts. Sur le pas des portes, des goélands à l’air sacerdotal se tiennent immobiles en des poses hiératiques, et les corneilles au bec et aux pattes plus rouges que du corail viennent, confiantes, se mêler aux enfants qui jouent, aux poules qui rôdent, picotant la paille des meules. Tout près du village, à droite, le phare de Belle-Isle dresse dans le ciel son énorme fût de granit, pareil à une colonne triomphale.Des champs bien cultivés, une lande rase sans arbre, toute rouge de bruyères veloutées et roussies, séparent Kervilahouen de la mer, cette mer formidable et retentissante que, dans les Guides, on appelle la mer Terrible. Terrible en effet, plus terrible qu’en aucun endroit sauvage de la sauvage Bretagne, plus impressionnante à regarder, plus magnifique d’horreur que celle qui s’acharne contre les blocs noircis de la pointe du Raz, contre les rochers jaunes de Beuzec et les roches sanglantes de Ploumanac’h. On l’entend qui gronde, qui s’engouffre avec des fracas épouvantables dans les grottes qu’elle-même a creusées, et la terre est toute remuée par cette voix colère." Intégral en livre audio :